Quel interne ai-je envie de devenir ?
- Par docjunior
- Le 27/06/2021
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L’ECNi étant passé, c’est l’internat qui commence à pointer le bout de son nez et occuper mes pensées.
D’ailleurs j’avais déjà écrit un billet sur le fait que je ne me sens tellement pas préparé à gérer tout un (secteur) service entier !
Se pose aujourd’hui une deuxième question. Quel interne vais-je devenir ? Quel interne ai-je envie de devenir ? Alors plutôt qu’une longue liste inutile et ennuyeuse de vœux pieux, laissez moi vous expliquer comment, pourquoi et dans quel sens je souhaite évoluer.
L’internat comme je vous l’avais raconté ce sont de grosses responsabilités. Un service à gérer, des décisions à prendre, organiser et superviser l’ensemble des soins de l’entrée à la sortie du patient voire même après la sortie en organisant le suivi, le retour à domicile ou l’éducation thérapeutique.
C’est un travail épuisant mais passionnant et surtout très important. On est plus externe, supervisé et sous la responsabilité de son interne. Non ça y est on est aux manettes et c’est la vie de nos patients que l’on commande, que l’on va impacter. Quand je dis la vie, entendez moi bien, oui parfois c’est une histoire de vie et de mort, de pronostic vital engagé, « sauver des vies », mais pas que.
La vie du patient ça peut aussi vouloir dire sa qualité de vie, son ressenti, ses souvenirs, sa compréhension de la situation, son acceptabilité future sur les soins à venir, sur la prise de ses traitements et de son observance, sur son handicap ou ses séquelles.
Ce n’est pas que question de vivre ou mourir. C’est un ensemble. Et c’est ça qui rend le truc terrifiant et pourtant passionnant.
Je vais avoir des responsabilités, j’aurai mes seniors pour m’épauler, heureusement il y a encore un filet de sécurité. Je reste encore étudiant après tout. Médecin. Futur docteur. Mais toujours en formation.
Et prendre en charge des patients ça s’apprend. Dans les cours, les livres dans un premier temps. Les bases, la sémiologie, l’examen clinique. Tout ça en 2ème et 3ème année, dans ce qui s’appelle le DFGSM 2 et 3 pour Diplôme de Formation Générale en Sciences Médicales.
Puis dans les collèges, avec les pronostics, les traitements, les diagnostics, les conduites à tenir. Et dans la vraie vie avec les stages d’externat ou l’on aide, on observe, on se forme. Mais sans jamais être en autonomie totale encadrés en permanence par nos internes et les chefs quand nos internes sont en semi autonomie encadrés de façon ponctuelle par les seniors en particulier lors des visites de service ou à la demande si besoin.
Donc pour faire court j’ai envie de prendre en charge du mieux que je peux mes patients, sur tous les plans, en faisant le moins d’erreurs possibles tout en me formant au mieux pour devenir un bon médecin qui sait bien utiliser son echo-doppler, qui sait quoi prescrire et quand, qui se trompe le moins possible.
Ensuite, il y a tout le volet humain, éthique qui entre en jeu. Plusieurs fois j’ai eu des patients qui m’ont fait des sourires, remercié de m’être occupé d’eux, d’avoir répondu à leur questions, de les avoir écouté, rendu des services, repassé après les visites pour qu’ils puissent redemander ce qu’ils n’avaient pas compris.
J’ai de magnifiques souvenirs de patients, de mamies, de jeunes dont le regard et le sourire voulaient déjà tout dire.
Et j’espère que ça ne s’arrêtera pas quand je serai interne. Que mes patients se souviendront que dans leurs moments difficile, le personnel et l’équipe hospitalière, dont moi, futur interne avaient été là pour eux. Avaient fait de leur mieux. Qu’ils avaient été gentil, bienveillants, soignants, attentifs, qu’ils leur avaient rendu l’insupportable peut être parfois un petit peu plus supportable. Qu’ils leur avaient rendu un peu plus vivable ce qui ne l’était pas.
Mais est-ce que tous ses aspects ne risquent pas de passer au second plan ? D’être éclipsés, remplacés, substitués par d’autres quand on est écrasé par le travail, pris par le temps et les responsabilités, quand on a tout de A à Z à gérer, qu’on encore plus que les externes confrontés à la mort, la violence la maladie et la souffrance.
Vais-je être heureux ? Suffisamment équilibré pour réussir à garder le sourire et mon empathie ? Vais-je continuer à réussir à ne pas m’imperméabiliser comme j’espère avoir parvenu à le faire pendant l’externat ?
Vous savez quand on a mal à son âme, quand on bosse en moyenne 60h par semaine (au lieu des 48h légales) voire parfois 90h par semaine dans certaines spé, que c’est dur de rester humain face aux patients, que c’est dur de garder le sourire, de ne pas s’énerver face à certaines attitudes ou de ne pas se laisser robotiser vaincu par l’épuisement et la fatigue.
Et au delà de ça, est-ce que je serai tout simplement compétent, ai-je les qualités, les connaissances, les capacités pour relever tous ces défis ?
J’ai peur de ne pas savoir comment gérer un service entier à moi tout seul, de mal faire, de me tromper, de ne pas savoir. Surtout quand je me dis en fin de 6ème année, mes internes corrigeaient encore mes entrées.
En fait j’ai surtout peur de ne pas être à la hauteur des exigences que je me suis auto-fixées. D’avoir peut être placé la barre trop haute que même notre champion national à la perche serait bien en mal de surpasser.
Quant aux externes, aux étudiants, j’ai envie qu’ils sortent de stage avec des étoiles dans les yeux, qu’ils aient envie ou non de faire médecine vasculaire derrière. Qu’ils aient appris, grandi à nos côtés. Que ça leur serve dans leur vie pour plus tard ou pas, qu’ils y repensent avec le sourire en se disant que ce fut un stage qui en a valu la peine.
Et toute connaissance reste utile, ne serait-ce que pour ta propre culture générale de la médecine, on ne sait jamais sur quel patient on peut tomber et donc sur quelle pathologie, co morbidité on aura à traiter ou orienter.
Et de façon plus immédiate, avec les ECOS qui deviendront classant, tout étudiant qui se sera investit en stage et a qui on aura bien voulu transmettre aura un énorme bénéfice immédiat pour réussir les mises en situations face aux faux patients inventés des 10 stations de simulation de ces ECOS.
Sans compter que maitriser une spécialité parce qu’on y est passé en stage, qu’on a appris a tes côtés, dans la bienveillance, peut être très utile si on a la chance de tomber au concours sur un dossier proche de ce que tu as pu voir dans la réalité. Qui te marquera forcément tout autant si ce n’est plus que ces milliers de pages de collèges qu’on nous fait ingurgiter.
Par exemple, j’ai eu presque 18 à un DP de rhumatologie aux ECNi grâce à mon passage en stage de rhumatologie ou j’ai tant appris sous la bienveillance des chefs et des 2 professeurs du service que je ne remercierai jamais assez. Mais avec la réforme s’impliquer en stage et tomber sur les bonnes personnes va devenir encore plus crucial au vu de l’intégration des ces fameux ECOS à la moyenne globalisée.
Et moi je repense encore a ce professeur de rhumatologie qui nous donnait cours tous les vendredi matin à 7H30 pour nous préparer à l’ECN.
Ce PUPH qui venait en HDJ ou en hospit pour examiner devant nous des patients et nous apprendre au lit du malade.
Ce médecin qui a organisé son service pour que tous les externes soient considérés, bien traités, aient des cours réguliers et des horaires pas trop surchargés avec des référents à qui parler.
Sa bienveillance et son respect.
Les semaines de consultation et d’exploration prévues dans notre organisation de stage pour qu’on puisse découvrir et progresser.
Ce qu’il nous a dit le premier jour, que chez lui on devait être « heureux de venir en stage » et de « bouffer » du malade » pour progresser.
Qu’on était de futur professionnels de santé, en formation, ici pour apprendre et pas que pour aider le service à tourner, à faire des papiers sans jamais examiner, qu’on étaient pas juste « l’externe » mais des personnes propres avec une identité.
Et que tous les internes et les seniors du service étaient dans cette mentalité.
Et bien, jamais je ne vais l’oublier. Et ce que j’ai vécu, j’ai envie à mon tour de faire de mon mieux pour transmettre et partager. Que mes futurs externes puissent eux aussi un jour se dire qu’ils ont été heureux de bosser avec cet interne de médecine vasculaire, sympa, pédagogue, respectueux qui ne les considérait pas juste comme des aides médicaux mais de vraies personnes.
EN médecine on fonctionne beaucoup sur le compagnonnage des seniors envers les docteurs junior puis de ces juniors aux internes, puis des internes en fin de parcours envers les internes débutants, puis des internes aux externes et des externes aux 2ème et 3ème année.
J’espère là aussi que malgré la pression et les responsabilités, jamais je n’oublierai ce qu’était la vie, les soucis et les préoccupations d’un externe. Qu’ils ne seront pas exploités, que je ne les ferai pas rester jusqu’à pas d’heure, mais qu’ils auront vraiment l’impression de participer au processus de soin, en se formant, en apprenant, à mes côtés en échange de leur aide et de leurs conseils.
Que je n’oublierai jamais qu’une fois rentrés chez eux après le stage, ils doivent débuter la 2ème partie de leur journée (ou plutôt de leur soirée) à ouvrir les collèges de médecine et réviser. Avec des examens qui ne cessent de tomber puis les ECNi à préparer.
Car en passant d’externe à interne on change de monde, on change de niveau, on en voit plus les choses sous le même point du vu puisque ton rôle, tes responsabilités sont profondément modifiées.
En ce qui me concerne, j’ai la malchance de beaucoup (trop ?) fonctionner à l’affectivité. J’ai besoin d’être motivé, encouragé, soutenu, qu’on me dise que j’ai bien bossé.
Pas rabaissé, rabroué, humilié ou engueulé. Pas méprisé ou mal traité. D’autant plus quand je suis dans la difficulté, les mauvaises remarques vont beaucoup (trop) m’impacter, me décourager ou me blesser. Ça a toujours été ainsi depuis tout petit. Une trop grande sensibilité. Peut être une qualité mais probablement aussi un de mes défauts qui n’est pas juste fraichement sorti du chapeau, quoi que les études difficiles de médecine n’ont fait que conforter la tendance.
Après tout, c’est aussi pour ça que j’adore lire les commentaires que vous laissez.
J’ai toujours souvenirs de ces « merci de m’avoir bien aidé » en fin de journée par mes aides qui ont illuminés mes soirées, reboosté, donné du sens à ce que j’avais fait.
Enfin bref, voilà encore un long billet pour vous parler de l’interne que j’espère réussir à devenir. Vais-je y parvenir ? Je l’espère en tout cas. Mais je ne suis pas sûr de moi.
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