Deuxième billet des premiers jours

L'articulation acromio-claviculaire. C'est beauuu non ? Pour certains en P2 pouvoir la disséquer (ou disséquer n'importe quoi d'ailleurs) est un rêve depuis longtemps mais pour moi, surtout en P1 l'anatomie fut plutôt mon cauchemar.

Salut ça faisait longtemps qu'on avait pas parlé de ma PACES. Après la pause avec les billets décrivant la journée type en PACES, je vous propose de repartir sur ce qu'on avait laissé !

Pour ceux qui n'ont pas (encore) lu les billets sur ma P1 : Chapitre 1 ; Chapitre 2 ; Chapitre 3 

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Ça y est ! J’ai eu mon 1er cours de paces ! Il ne « reste » plus qu’à l’apprendre… Ah oui mais qu’est-ce que je dois apprendre ? Des démonstrations dignes du plus grand casse-tête de l’histoire de l’humanité (j’exagère à peine). Une énorme liste de plusieurs pages de dates et de savants en tout genre ?

Je suis un peu perdu au milieu de cette immense masse de données… Que faire ? Je décide donc de me rendre à ma prépa pour demander conseil. Sauf que j’en ressors tout aussi perdu. On me dit de ne pas m’inquiéter et que je saurai avec le temps comment travailler ses cours, quoi apprendre.

Argh… Mais ça va être horrible si tous les cours de P1 sont comme ça ! Je vais même pas savoir distinguer l’essentiel du superflu ! Et si en plus, les carrés mettent l’amphi dessus dessous, ça va être invivable !

Enfin bon, comme j’étais un petit primant plein de bonnes intentions (oh comme c’est mignon…), je me suis dit que j’allais tout apprendre. TOUT, de a à z, par cœur et que je pourrai réciter chaque phrase au mot près le jour du concours. Avec ça forcément, j’allai casser la baraque comme on dit ! Naïf que j’étais. Ça me fait aujourd’hui beaucoup sourire d’y repenser parce qu’il se trouve que ces cours étaient évalués sous formes d’exercices. Autant dire que l’introduction (de 5 pages quand même hein) sur l’histoire, on s’en fichait royalement ! Idem pour toutes les démonstrations… Mais, tout ça, on le sait pas forcément au début alors j’ai passé l’après-midi à travailler, travailler et encore …. Travailler. Pour rien ! Pour du beurre ! Pour des cacahuètes (grillées) !

 

Imaginez ensuite comment j’ai été choqué le lendemain en écoutant une conversation de doublants :

  • « Alors, t’a passé une bonne aprèm hier ?
  • Oh oui, trop ! On n’avait rien à faire ! J’ai tout torché en une petite demi-heure
  • (Quoi !!!!???? J’y ai passé l’aprèm entière et la nuit ! Mais comment il a fait pour faire tout ça en 30 minutes !)
  • Ah oui, c’était trop simple, ça se voit que ça n’a pas encore commencé pour de vrai là !
  • (….. Sniff) »

C’est donc le moral dans les chaussettes (voire même dans les orteils) que j’attaquais alors le 1er cours d’anatomie. Ah cette belle matière, avec un prof qui parle et dessine en même temps. Et bien en plus ! Je trouvais (et je le trouve encore) ça génial et super moderne ! Et dire que l’anat allait être ma bête noire de l’année. Comme un mur impossible à escalader qui se rehaussait pour chaque mètre grimpé…

 

1er cours : arthrologie du membre supérieur : clavicule, omoplate (ou scapula pour les connaisseurs) ainsi qu’un schéma sur l’humérus (qu’on appelle aussi vulgairement le bras). Le prof entre dans l’amphi. Les conversations se muent en murmures qui s’éteignent à petit feu. Règne alors un silence assourdissant. Les carrés sont prêts ! Les primants dépriment (enfin pas encore mais bientôt).

  • « Voici donc le schéma de la clavicule, os avec une double courbure en forme de S. Elle est convexe vers l’avant dans son tiers médial puis concave vers l’avant dans tiers distal. On y retrouve la double insertion tendineuse du sterno-cléido mastoïdien (je le connais celui-là) à la partie médiale de la face supérieure accompagné du sterno cléido hyoïdien, le muscle trapèze sur le bord antérieur du tiers latéral » etc etc etc….

 

Le seul et unique hic, c’est que tout ça était dit sur le ton de la conversation (vitesse grand V pire que le V deltoïdien donc [les connaisseurs comprendront]) et que c’était tout simplement impossible de noter tout. Si vous pensez que c'est facile au sortir du lycée que de s'adapter à ce changement, maintenant, en un instant, hé bien vous vous fourrez le doigt de l'oeil jusqu'au pancréas (oui ça fait du chemin j'en conviens).

Panique à bord donc ! Les primants commencent à frissonner ou même à trembler. Mais dans quelle traversée nous sommes nous embarqués ? Va t-on échouer sur les berges de l'échecs ? Se faire débarquer tel des clandestins qui n'ont rien a faire sur le navire de la P1 ? Comment éviter le naufrage, naviguer et déjouer les pièges des flots tumulteux sous cette houle furieuse ? 

 

On ne joue plus là ! Il est donc temps de passer en machine de guerre ! Tant pis pour la beauté du cours, il va s’agir de tout noter, chaque mot s'écoulant de la bouche du prof valant son pesant d'or ! Et nous essayions tant bien que mal (surtout mal en fait) de récupérer ces perles vocales, de collecter ces diamants oraux. Chaque mot raté étant synonyme d'une promesse de futurs maux. 

Tu notes, tu écris comme si ta vie en dépendait. Tu entends sans écouter puis tu transcrit sans vraiment noter. Et puis tu cries aussi. Interieurement. Car il faut rester concentré. Comme si une machine s'emparait de ta volonté, l'assimilant puis te transformant en chaîne de montage assemblant les mots en phrases. Les phrases en paragraphes. Et les paragraphes en cours. Et toi, tu cours. Ne prend pas de retard, ne laisse pas de trous, pas de blanc sans quoi ton avenir sera fait de noir ! Et à défaut d'en broyer ce sera lui qui le fera.

Les mains tremblaient, les stylos crachaient leur encre sur le papier, les feuilles se noircissaient, les poignets se brisaient, les os craquaient (stop stop, je vais peut-être un peu loin là). Enfin bref, à la fin d’1h30 de cours intensif, j’avais écrit 3 copies doubles soit 12 pages régulièrement ponctuées de gros blancs avec les phrases que j’avais manquées ! Oui, la terminale, c’est des vacances à plein temps ! Un peu comme la P2 finalement !

 

C’était juste crevant ! (je vous laisse imaginer l’apprentissage alors). Je masse mon poignet endoloris. Je n'avais jamais eu l'habitude d'écrit tant et aussi rapidement. A la différence du lycée, ici chaque mot compte, il n'y a pas de surperflu dans le déluge de connaissance, la tempête de savoir qui s'abbatait brusquement. Brutalement, je commençais à prendre conscience de ce qui m'attendais cette année. Ce n'était que le début, ça n'avait même pas commencé... 

Remarque, l’avantage, c’est que les doublants n’avaient pas dit un mot pour le coup. Et encore, il se trouvait que le prof avait décidé d’y aller soft pour le 1er jour. Plus les cours passaient et plus le débit allait augmenter ! C’est là que je me suis dit qu’en pré-rentrée, on avait vraiment été ménagé. Il allait falloir trouver d’urgence un système d’abréviation. Et mon cours était à peine plus beau qu’on torchon qu’on a trainé dans la boue pendant des heures et des heures…


En même temps, on a pas trop le temps de soigner la présentation et déjà que je suis pas super soigneux de base. Autant vous dire que ce n’était vraiment pas le Nirvana de travailler sur 12 pages pleines de tâches d’encres, de ratures et d’une écriture zigzagant autant que la montée de l’Alpe d’Huez…

Et en plus j'étais complètement déboussolé au sens propre comme au sens figuré. J'avais perdu le nord d'une certaine manière. J'arrivais à peine à m'orienter dans l'espace assomé à coups de médial, latéral, proximal distal, sagital, frontal. Le tout accompagné d'une mélange bien indigeste de mots compliqués et de nouveaux termes, insipides ingrédients de cette soupe à l'écoeurement.

Je ne le savais pas encore mais on venait juste de vivre le plus simple et faciles des cours d'anatomie du semestre. Expédié en moins de 20min avec facilité en fin de S1 mais me paraissant actuellement insurmontable !

 

10H : L’heure d’une pause-café (rituel qui allait devenir incontournable) aussi essentielle que les huiles (bouhhh). On se prépare à la suite. Une masse énorme se précipite au tableau pour prendre les schémas en photo. Je décide de suivre le mouvement, sait-on jamais ça pourra toujours être utile !

 

De 10h15 à midi, venait un autre prof ! Pour le coup, on avait tout dans le poly car il fallait surtout apprendre ses diapos (à la lettre comme d’habitude en médecine). Avec le temps, on a remarqué que 99% du cours présentait une similitude troublante avec la célèbre encyclopédie universelle en ligne. On se demandait comment Wikipédia avait honteusement osé plagier le cours de Mr Wiki (au fait j’y pense tous les noms seront changés). Loin de moi de penser l’inverse bien sûr, je n’oserai pas. 

Comment une encyclopédie en ligne oserait si bassement copier coller le cours de notre professeur adoré. Assisterait-on à un second type de plagia à la MathPotcast ? En tout cas quoi qu'il en soit, à la fin du S1 de P1, on connaissait par coeur des pages et des pages de wikipédia. D'ailleurs on était vraiment de vraies petites encyclopédies vivantes à nous seuls. On savait tant de choses, pas forcément toutes utiles certes (loin de là même) mais on en savait des trucs. Tant et tant après tout ce temps dans cette tempête de révisions à en faire gonfler puis éclater l'encéphale.

Mais comme tout primant qui se respecte, j’ai décidé de prendre en notes l’entièreté du cours. Pour rien (pour changer) ! Comme quoi, au début on ne fait presque que des idioties puisqu’il suffisait d’apprendre le polycopié (aussi épais qu’un dictionnaire et aussi gros que l’encyclopédie universelle. C’était vraiment le cours des lumières). Alors je suis très fier de pouvoir vous annoncer que je peux vous réciter des pages et des pages de Wikipédia ! Youhou !

Je vous ai déjà parlé de la course pour réserver les places non ? Il en existe une seconde : celle pour se précipiter au Restaurant universitaire (RU) afin de ne pas se faire absorber dans la queue. Queue qui dissout ton temps et contraint ton estomac à crier famine encore un peu plus longtemps. Bien sûr ça allait là aussi devenir une habitude mais pour l’instant, ça ne faisait que rajouter encore du changement par rapport à la terminale. Le fait de devoir prendre les cours en notes une partie des cours, de devoir se gaver de connaissances, de changer de milieu, de devoir être plus autonome, d'être en amphi, de devoir bosser tout le temps et de ne plus arriver a se concentrer, de stresser pendant le cours de ne pas tout avoir pris. De ne plus pouvoir bosser comme au lycée, de changer les modalités pour se faire évaluer, d'être classé, accro à un numèro qu'on espere le plus bas possible, d'être contre et non plus avec. Tout cela et bien plus c'est formidablement nouveau ! Et mas sûr que le terme formidable soit le meilleur pour exprimer ce désarroi face à la nouveauté.



Et bien, j’ai vraiment eu du mal ! Je n’en parlerai plus trop mais il aura fallu presque un semestre entier pour accepter le changement. Et quel changement : le passage d’une vie tranquille à la vie de P1. J’aurai presque envie de dire que le bac n’est qu’un petit échauffement à la paces. (Enfin, les D4 qui passent l’ECN vous diront que la P1 est l’échauffement pour les études de médecine, chacun se place de son point de vue donc).

Le repas englouti, retour à la maison ou plutôt à mon appartement étudiant pour se mettre à travailler. Comme j’utilisais la méthode des J, j’allais avoir les 2 cours du jour à travailler en J0 et les 2 de la veille en J1. Une journée chargée en perspective donc ! Et dire que tout ce travail, je pourrai le faire aujourd’hui en moins de 3H. Mais un primant, tout aussi motivé qu’il pouvait l’être n’en est pas encore capable. Son cortex cérébral n’est pas encore formaté et conçu pour traiter toutes ces données…

A ce propos, ce serait intéressant de faire une étude entre avant et après la P1 pour voir comment on a évolué… Un cerveau masculin pèse 1370g normalement, je crois qu’après la paces, on pourrait observer une excroissance cérébrale notable ! Et oui, il faudra que je vous montre une photo que j’ai prise où j’ai empilé la moitié de mes cours (le reste étant dans l’ordi) ce qui est aussi grand que moi ! Soit environ 1m75 et plusieurs tonnes kilos de papier !

 

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Commentaires

  • Petite-cuillere
    • 1. Petite-cuillere Le 24/05/2016
    Une étude neurologique sur le cerveau = redondance. Pas sur que l’effet QCM soit si bon pour le cerveau xD
  • Petite-cuillere
    • 2. Petite-cuillere Le 24/05/2016
    Hey ! ça m amuse le début de ton récit parce que je faisais la même chose l an dernier, en voulant tout apprendre par cœur. C est vrai que le choc est assez violent, au début. Il y a toujours un moment ou on s aperçoit que c’est sans issue et que si on vise le concours, on sera oblige de souffrir un peu. J avoue que ce serait intéressant de faire une étude neurologique sur le cerveau dans ces conditions ! Hâte de lire la suite !
    • docjunior
      • docjuniorLe 26/05/2016
      Haha oui ce billet avait en partie pour but d'expliquer la " prise de conscience " que ça allait être dur. Quand on nous avait dit qu'on allait moins rire dans quelques semaines le 1er jour beaucoup ricannaient, moi je ne comprennais pas, pas encore et je commençais tout juste a piger ce dans quoi je m'étais embarqué.

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