L'ascension
- Par docjunior
- Le 10/02/2016
- 16 commentaires
C’est une immense montagne. Un géant entre les monts les plus hauts. Un mastodonte de glace aux muscles verglacés les surpassant tous ! Face à elle, l’Everest est d'une infinie infimité ! Le Kilimandjaro ? Outrageusement minuscule ! L’Aconcagua ? Lamentablement ridicule ! Et le Mont Blanc ? Ce ridicule petit bidule ? Ne parlons même pas de ce truc si minable et nul !
C’est un massif imposant, presque inaccessible. Nombreux sont ceux qui ont tenté l’ascension. Peu en sont revenus. Leur énergie engloutie par le froid hautement abyssal de l’hiver. Ainsi que par la nuit sombre et emplie de terreur. Je suis dans l’œil du cyclone. C’est le crépuscule de l’autonome. L’hiver approche… Et pourtant cette escalade je vais la tenter !
A vrai dire, beaucoup n’ont même pas pu accéder au 1er col. Au tout premier camp de base où l’on obtient vivres et réconfort. Découragés par l’ampleur herculéenne de la tâche s’imposant à eux. Bien pire que les 12 travaux du demi-dieu ou que le tonneau des Danaés. Comme si le savoir s’écoulait de leur cerveau percé au fur et à mesure qu’il se remplissait, dans une quête échouée avant même d’avoir commencée.
Et nombreux sont ceux qui n’auront même pas eu le malheur d’accéder au début de l’épreuve. Car pour tenter la rude escalade, il faut un puit à la place de l’encéphale, un gouffre sans fond, irremplissable, capable d’avaler monts et glaciers !
Sinon on n’obtient même pas la permission de tenter l’héroïque aventure. Le simple droit de se lancer dans la course. L’autorisation d’acquérir son équipement. Le ticket pour grimper et essayer d'accéder à ce lointain sommet.
C’est une escalade périlleuse où il n’est pas rare de voir s’écraser de malheureux alpinistes. De pauvres gens qui avaient été assez téméraires ou fous pour relever le périlleux défi sans doute. Incapable d'assurer leurs prises pris par surprise dans l'emprise du glacier.
Un défi éprouvant. Piégeur à souhait. On ne tient que grâce à une volonté de fer et à un moral d’acier afin de forger la lame de notre connaissance.
Mais attention, parfois on en voit chuter. Ils sont lourdement blindés, presque méconnaissables dans leur sombre armure hivernale. Des hommes machines attirés dans les profondeurs par leur blindage. Blindage imperméable à leur ancienne humanité desormais perforée. De sombres masses d’un blanc hospitalier dans cette chute infinie où elles ont été entrainées…
D’autres sont tout simplement fatigués, épuisés, exténués. Le souffle court. Les engelures au bout de leurs doigts glacés. Brusquement congelés dans un élan à jamais figé. Fatigués de grimper sans jamais accéder au sommet. Sans même le voir ni l'apercevoir. Et pourtant devoir continuer à monter. Vers l’inconnu. Vers les invisibles sommets. Leur lointaine destinée. Inaccessibles. Et pourtant si proches. D'une lointaine proximité...
D’autres encore ne peuvent tout simplement pas suivre le rythme. Malgré l’accès restreint, la dure sélection. Ils n’ont tout simplement pas la capacité musculaire bien que l’on croyait le contraire. A moins que ce soit leur souffle... Le froid qui s’infiltre par les voies aériennes supérieures s’immisçant sournoisement à l’intérieur afin d'en extirper la moindre goutte de chaleur. Ils n'ont plus une once de vapeur pour continuer à actionner le moteur du dur labeur. Tragique erreur. Funeste malheur.
Cependant la plupart s’accrochent. Passent le col, les murs verglacés pour atteindre le sommet de l'illusion dorée. Mais dans quel état ? Epuisés surement mais incomparablement heureux assurément !
Pourtant on n’est pas seul. Non, on s’encorde avec nos camarades alpinistes. Ensemble dans l’épreuve et l’effort. Maigre réconfort. Dans le désespoir et le découragement. Mais on continue qu'importe le temps. Solidaires et engagés. Unis et soudés vers l’objectif, cette lointaine et inaccessible arrivée. Ce doux et doré sommet enneigé...
Quant à moi ? Je n’ai même pas commencé à défier les sommets gelés. Je suis au pied de cette fuite en avant. Ou plutôt en hauteur… Je fais tout juste parti de ceux qui ont obtenu leur certificat d’escalade. Ce précieux sésame pour lequel j’ai dû tant lutter. Et j’observe d’en bas les milliers de courageux plantant leurs pics dans le flanc du glacier. Dans l’espoir de le blesser peut être. De l’affaiblir sans doute. D’y laisser une trace de leur passage. Défiant les éléments, le gel et le vent. Franchissant qu’importe le temps corniche par corniche. Col par col. Murs glacé par mur glacé.
Je vous l’accorde, je suis tout à fait impressionné par ce qui m’attends. Qui ne le serait pas ? Suis-je givré d’avoir voulu tenter l’aventure ? Je ne suis même pas sûr d’en avoir pleinement pris la mesure. De me rendre compte dans quelle péripétie je me suis lancé. Face à cette montagne, je suis d'une insignifiance floconesque. Je me sens ridicule. Minuscule. Enseveli sous le poids de ce fardeau glacé. Paralysé devant l'interminable sentier me restant à traverser.
C'est pourtant le sentier de ma destinée. Un étroit chemin sinueux malheureusement pas tout tracé dans cette voie en lacets que je me suis fixé. Serpentant sur les flancs de la montagne, naviguant entre les forets de pins. Arbres malveillants ne demandant qu'à nous piquer sournoisement de leur aiguilles envenimées. Sifflant sadiquement sur ce sentier forestier empoisonné.
Mais je reste de glace. Cette constatation ne fait que renforcer ma détermination. Mon envie de m’élancer à mon tour afin de tous les rattraper ! Et déjouer à mon tour les pièges dans lesquels je risquerai de tomber ! Car oui ! Oui !! Je vais le défier ce terrible glacier !!!
Pour le moment, je ne suis qu’au camp de base et je me prépare. Autant physiquement que psychologiquement. Je m’équipe. Je suis déjà allé à l’ordre des montagnards récupérer mon matériel. Je cherche les cordes les plus solides, les pics les plus pointus. Et je me prépare à braver le froid ainsi que l’épuisement. Mais j’en suis capable je le sais, pas une seconde je n’ai douté de moi. Et cela malgré les moments de découragement parfois intenses. Je me suis toujours dit qu’un jour, je le verrai ce sommet. J’y arriverai !
Avant même de commencer on a dû passer par " le restaurant " et manger jusqu’à l’écœurement, jusqu'à l'épuisement. L’indigestion encéphalique, l’AVC gastrique. Juste pour avoir le droit de commencer l’ascension. Juste pour pouvoir entrer sur ce chemin tortueux. Chemin tortueux et tortuesque nous forçant au repli carapaté. Contraignant à nous cacher sous notre carapace. Afin d'éviter de se faire prendre en chasse par les rapaces. Les faucons et autres charognards guettant leurs proies depuis les sommets. Et pour tenir il fallait manger.
On n’allait quand même pas nous laisser partir le ventre vide ! Alors oui on nous a fait joyeusement s'empiffrer. Jusqu’à plus faim. Jusqu’à vomir. Vomir puis recommencer. Jusqu'à ne plus rien pouvoir digérer. Jusqu'à douter de notre capacité à résister. Encore. Et encore. Inlassablement ! Interminablement !! Inutilement !!!
Alors oui, on nous a fait manger. Pour voir qui était le plus affamé ! Qui parmi nous serait capable d’ingérer un maximum de savoureux petits plats. Petit plats réellements gargantuesques en réalité. Plats et repas se mélangeant en une fade bouillie connaissances. Une soupe à l'écoeurement. Une ratatouille indigeste. Un véritable hymne patriotique au gaspillage aussi bien alimentaire que cérébral.
Dans " un restaurant " où nul ne peut s'arrêter. Sous peine d'être contraint à s'en aller. De devoir quitter la file du téléphérique nous menant au pied du glacier. De la montagne surnommée le bagne. De se voir refuser le précieux ticket.
Partir à contre coeur de ce coup fugace coup de coeur qui à présent nous donne des hauts le coeur. Quitter ce lieu gastronomique réputé qui désormais nous ecoeure. Alors oui, oui, on a peut être parfois pu craquer, pleurer et dégueuler mais il faut continuer à manger. Manger pour ne pas se faire soi même dévorer...
Et pourtant ce n’est que le début. Première épreuve pour vérifier notre résistance et tester notre endurance. Premier mur diabolique à escalader. Premier défi satanique à relever. Première epreuve infernale à surmonter.
Ça y est, je suis prêt à répondre à l'appel. Je suis prêt à te défier ! Toi que j'avais cru impossible à escalader. Toi qui pensais pouvoir me décourager ! Toi qui croyais m'avoir achevé ! Je suis prêt à te montrer mon entrain, ma vigueur et ma vivacité ! Mon énergie sanguine bouillonante d'une chaleur rayonante et triomphante. Car c'est ma vie ! La vie que j'ai choisit !! La vie dans laquelle je me suis tout entier engagé !!!
Que l’ascension débute ! Inlassablement, continuellement peut être jusqu’à l’épuisement. Mais on ne peut s’arrêter dans l'escalade de ces rochers enneigés. Sans fin, sans cesse, il faut continuer à avancer. Continuer. Grimper. S'élever. Avaler la roche mètre par mètre, pierre par pierre pour gravir l'étroit chemin de notre destinée.
On ne peut jamais cesser de clamer haut et fort notre vitalité. Ou bien c'est la montagne qui finira toujours par bassement nous enterrer…
Cet article t'a plu ? Alors n'hésite surtout pas à le partager et à commenter ;)
études médecine obstacles épreuve
Commentaires
-
- 1. Valentine Le 23/10/2016
Bonjour,
Merveilleux post, Dieu soit loué. J'ai passionnément aimé cet article fabuleux. Tellement envoutant, je n'ai pu m'arrêter dès les premières lignes, ton écriture, ta façon de décrire, d'analyser, de dérober d'une façon si spéciale. Ca me plait. Tu as renforcé d'autant plus mon envie de gravir cette immense montagne. Jamais je n'ai eu la chance auparavant de lire un alpiniste avec tant d'éloquence. Tu m'as émue et profondément motivée à m'engager face à grandiose entité.
Merci infiniment, bonne continuation, j'ai un aperçu de ton blog me laissant avide de lire tes autres articles.
Une future P1.-
- docjuniorLe 25/10/2016
Merciii :-) Ça faisait longtemps un commentaire sur cet article ! Ravi de t'avoir fait rêver, faudra que j'en refasse d'autres alors quand l'inspiration me viendra ;-) Bonne lecture du blog, en cherchant un peu il y a d'autres articles sur différents sujets mais dans la veine de celui-ci, ou bien drôles, sérieux. Bref y'en a pour tous les goûts !
-
- 2. Nina ATTE Le 24/01/2016
Comme la plupart, j'ai bien aimé la figure de style que tu as employée pour décrire tes longues et périlleuses études de médecine, la montagne, les alpinistes plus ou moins expérimentés face à un climat et un terrain difficiles.
Je me voyais déjà en haut de la montagne... (clin d'oeil à Aznavour) Non, je me voyais bien sur cette immense montagne entourée de toutes sortes d'alpinistes avec des niveaux différents.
J'étais vraiment plongée dans l'histoire. Encore! Encore! J'ai faim de tes récits passionnants!
Courage carPetit à petit l'oiseau fait son nid
Pour faire face au froid glacial, applique ces produits-phareshttp://www.emagcloud.com/lr/FR_fr_CollHealth012016/index.html#/48/ sur ton visage lol-
- docjuniorLe 24/01/2016
Ha ha ne t'inquiete pas j'ai plein de belles histoires à raconter ou dans les cartons ! Bon sur ce je te laisse j'ai quelques produits à acheter pour me préparer à la dure escalade qui m'attends ;-)
-
- 3. PatientPsychiatre Le 06/01/2016
Hé, honoré de figurer dans ton bel article, que j'ai (enfin, désolé) pris le temps de lire dans son intégralité ! La métaphore, c'est vraiment le meilleur moyen d'expliquer l'inexplicable.
Bon courage pour la suite de ton escalade, moi j'espère voir le bout de la file d'attente du téléphérique. C'est encore loin, et je ne suis pas bien sûr d'y arriver, à vrai dire. C'est que ça caille, en bas !-
- docjuniorLe 06/01/2016
Bon courage à toi aussi en espérant te voir débuter prochainement l'ascension !
-
- 4. Merlin Le 20/12/2015
Très belle métaphore, bien trouvée ! J'accroche de plus à plus à ton style, à l'univers de ton blog. C'est très intéressant !-
- docjuniorLe 20/12/2015
Merci ;) Ton blog est également très interressant bien qu'assez différent du miens. Mais il vaut le coup d'oeil alors n'hésitez pas à cliquer sur Merlin ou à aller dans le menu déroulant de mon site pour y faire un tour ☺
-
- 5. Embryon médical Le 14/12/2015
D'accord avec toi Dr Omadaire, en plus on n'arrête pas de nous répéter que le temps que l'on finisse nos études, nos connaissances seront déjà obsolètes... C'est une montagne dont les parois s'effritent, qui nous font descendre avec elles. Parfois on atteint des plate-formes pour se reposer puis l'ascension reprend de plus belle ^^
PS : Petite cuillère accroche toi, la queue du téléphérique c'est chiant mais on s'en sort !-
- docjuniorLe 20/12/2015
Hey ! Merci à vous 3 pour vos commentaires extrêmement pertinents. Nous n'avons en effet pas terminé de grimper... Mes amis, à vos cordes et à vos pics, on (re)part affronter le glacier !
-
- 6. Dr Omadaire Le 14/12/2015
Plop ! Salut à tous !
Super article ! Un mélange de Frison Roche et de médecine, que j'ai eu plaisir à lire !
Pour continuer la métaphore on pourrait se demander s'il y a réellement un sommet à cette montagne, dans un domaine où l'on en apprend tous les jours, même à 50 ans, où la science ne fait que progresser et où il y a encore tant à découvrir.
Mes amis nous n'avons pas fini de grimper.
Bonne ascension à tous ! ;-) -
- 7. Petite cuillère Le 14/12/2015
Waouh ! Captivant, glacé, envoûtant, effrayant...
C'est très juste la façon dont tu décris la vue qu'on a d'en bas (enfin même si pour l'instant, je ne suis qu'à la file du téléphérique).
Peur d'avoir mal.
Envie d'avoir peur.
Heureux d'avoir envie.
Bon courage pour cette rude ascension. -
- 8. La relou du dimanche Le 14/12/2015
C'est génial !!! J'ai trouvé ça top !!-
- docjuniorLe 14/12/2015
Merci beaucoup ! :) -
- docjuniorLe 14/12/2015
Merci ;)
-
- 9. Grande cuillère Le 14/12/2015
Stylé !!! Bien écrit et vraiment bien trouvée la métaphore filée !
Ajouter un commentaire