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Jour et nuit

2014 04 24 17 47 59 767705525 (un de mes fonds d'écran en P1)

Journée type de ma PACES, entre joies, peines et découragement 2/3 --> lire ici le premier billet 1/3

12H10 : On commence à ranger ses affaires pour le second rush de la journée. La pause déjeuner (ah bon, ai-je dit qu’on fait des pauses en P1 ? Bon allez j’exagère on peut et on doit en faire sous peine d’implosion) ! Et à 12H15 on dévale les escaliers pour arriver dans les premiers au RU (resto universitaire). Là encore juste une personne de notre groupe se précipite pour s’approprier  réserver les places et les autres passeront devant tout le monde. Et oui, il est hors de question de perdre ne serait-ce qu’un quart d’heure à la fac. C’est la paces ! L'horrible paces ! L'affreuse PACES !!!

 

Comme d’habitude je prends le plat du chef, un plat de restaurant pour 4 euros à peine. Plus cher que la formule normale à 3 euros 20 mais sinon je craque. Comme dit la pub « bien manger c’est le début du bonheur ». Et bien pas en P1. C’est plutôt un antidépresseur. Antidepresseur qui m’aide à ne pas me faire emporter dans la mélancolie (forme sévère de dépression). Ça faisait partie de mes petits plaisirs quotidiens, assez invisibles mais indispensables. Essentiels. Vitaux... Et garder un peu de contact social le midi mais aussi le matin en cours était carrément capital dans mon système défaillant d’anti-déprime régulièrement assailli par le stress, la fatigue et la peur d'échouer dans une année si compliquée.

On ne joue pas sa vie non, on peut rebondir. Mais très certainement qu'on joue un bout de sa vie, un morceau de son existence. Une année dont la finalité influencera des dizaines et des dizaines d'années en conséquence. Alors oui c'est là que cette année prend tant d'importance. C'est énorme, énormissime. Mais ce n'est que la file du téléphérique, car bien pire nous attend. Mais de cela on en n'est pas conscient. Pas encore. On a un objectif. Et... c'est tout ! On n'y pense pas, tout est simple, linéaire. On est tendu vers sa ligne d'arrivée sans aucune question à se poser. Il faut travailler. Travailler et encore travailler si l'on veut passer et ne pas se faire recaler...

 

Durant cette pause déjeuner, on discute, surtout des cours de la journée, du planning de révision, de la prochaine colle. Enfin bref beaucoup de la paces. Cette paces me bouffe l’esprit. J’y pense sans cesse, j’en rêve parfois. Je vois la vie en ABCDE. Vrai ou faux !? Cocher les grilles, une simple feuille de papier cruciale comportant les cases de ma destinée. Noir ? Blanc ? Vrai ? Faux ?  Des cases qui décideront si oui ou non je pourrai un jour soigner. De l’encre et du papier. C’est si simple et pourtant si compliqué…

Mais je ne peux pas échouer. Je ne dois pas échouer. J’ai tant souffert, je l'ai tant mérité, j’ai fourni un travail acharné. Non, je ne dois pas échouer. Je ne le mérite pas. Comme tant d’autres qui ont raté sans pourtant démériter. Que le système a éliminé, sacrifié comme des pions sur l’échiquier. Brisés par cette difficile année, en un millier de morceaux éparpillés. Car je ne peux même pas imaginer ce que ressent le doublant pour la seconde fois échouant. A tous les coups c'est traumatisant, frustrant et tellement rageant !!! Celui qui arrive 300ème au QCM fera t-il un moins bon médecin que le 30ème classé ? Pas si sûr. Car ce jeu froid et impersonnel ne prend en aucun cas compte de notre humanité, de notre sociabilité, des nos qualités humaines, de notre pratique manuelle. C’est de la connaissance pure. C’est triste. C’est froid. Mais c’est ainsi. On ne peut pas protester. Il faut suivre les règles du jeu sous peine de se faire éliminer, disqualifier avant même d'avoir pu commencer à jouer. Le concours est l'arbitre. Justement injuste dans son injuste justice.

Et pourtant il faut savoir au moins 3 ou 4H par semaine réussir à faire une vraie pause. Profiter à fond. Sans culpabiliser de ne pas être en train de bosser. Car sinon on ne s’en sort plus et la dépression arrive. Et ça fait mal. Terriblement mal. C'est destructeur. Horriblement destructeur. C'est une vraie souffrance qui ronge de l'intérieur. Un malheur, une vrai douleur. Pugnace, maligne et insidueuse. Et quand le douloureux serpent de la dépression t'ensserre le cou pour t'étouffer, il est si difficile de lui échapper. Et là l'entourage devient si important. Tuteurs référent, parents, amis. Chacun vit sa PACES différement mais tout le monde a déjà douté, ou déprimé. Et au fond du gouffre, face au doute ou à la dépression on est pas égal. Certains s'en sortent meiux que d'autres. Pourront mieux puiser dans leurs ressources mentales pour s'extirper de ce sombre et obscure trou.

 

13H00 : Je pars travailler à la bibliothèque universitaire. Histoire d'être entouré par tous mes "concurrents" ce qui est extrèmement motivant. Se dire qu'ils sont en train de t'éjecter du numérus et que tu n'as pas de parachute. Hors de question de s'écraser dans le fossé. Je vais donc bosser pour ne pas chuter. Mais au final je me voyais surtout en train de lutter contre moi même pour ne pas tomber. Sans cesse, sans fin en train de repousser mes capacités, mes limites, aussi bien mentales que physiques ou intellectuelles.

Je suis à la BU et je prépare mon planning de la journée. De telle heure à telle heure je fais tel cours. Puis de là à là je vais faire ceci, puis cela. Si je ne me fixe pas d’objectif je pourrai passer l’aprèm toute entière sur un ou deux cours. Inacceptable ! Il faut être rapide et efficace. On est plus au lycée ! Ne pas prendre de retard ! Enfin le lundi c’est facile, j’ai pu bosser le matin. Et j’ai rattrapé la veille le retard de la semaine. Donc ce n’est pas le pire des jours. Mais plus on avance et plus les J s’accumulent. Le jours du cours, c’est le J0 puis vient le J1, le J3, le J7, le J15 et le J30.

C’est le début d’une après-midi de travail. Une longue et usante après-midi de paces pourtant bien courte au regard du programme que je me suis fixé…

C’est un paradoxe temporel. Le temps qui file à une vitesse impressionnante, le retard qui pointe le bout de son nez. Retard qu’on essaye de chasser mais qui reviens en galopant pour nous enfermer dans sa spirale infernale. On a du retard. Donc on se couche plus tard histoire de le rattraper. Puis le lendemain on est encore plus fatigué et le démon revient à la charge. Un démon prenant la forme d’un tsunami emportant tout sur son passage. Jusqu’à nous submerger de la tête aux pieds. Jusqu’à ce qu’on en soit réduit le weekend à rattraper le retard qu’il nous restait du weekend précédent avant d’entamer celui de la semaine. Jusqu'à nous épuiser, nous prendre puis nous surprendre dans ses filets sans plus jamais nous lâcher. On ne peut plus se relacher, tout simplement parcequ'on y arrive plus. On y arrive pas. Ça semble si simple d'arreter de travailler, de se reposer. Pourtant ça ne l'est pas.

Car c'est l'appel du retard. Et je n’ai pas toujours su lui dire stop, trier le retard essentiel du retard non essentiel. Eviter la noyade. Et je n’ai pas toujours su m’imposer cette limite, gagner en efficacité pour ne pas couler. Et je l’ai à chaque fois regretté en ayant touché le fond complètement épuisé…
 


La journée est bien trop courte, on voudrait pouvoir travailler 48H/24H. Et pourtant elle est également interminablement longue. Usante, fatigante et routinière. Plus on prend du retard et plus on stresse de ne pas pouvoir le rattraper à temps. Et on s’en veut, on se culpabilise terriblement. Au point de stopper les distractions et les pauses pourtant indispensables au bon équilibre mental de chacun. Dès qu’on ne travaille plus on culpabilise. Ça y est, le démon a gagné, il nous a enfermé dans sa cage. Il nous a coulé, axphyxié, étouffé.

Et on déprime, on pleure parfois même devant ses cours. On se dit qu’on ne va jamais y arriver, que c’est fini, que sa vocation est brisée en mille éclats. Autant abandonner, ça ne sert à rien de recoller les morceaux.  Et on s’enferme encore plus dans la spirale infernale, on oublie de se détendre, les quelques joies se transforment en cendres et prennent un gout acre de terre brulée, on s’enferme dans les cages de la fatigue et de la dépression.

Puis on se remotive à nouveau et ça repart. On pense au merveilleux métier qu’on va faire, on se dit que ça en vaut la peine, que rien est joué jusqu’au concours, jusqu’à sa toute fin. Le tout dernier QCM. Qu’on peut et qu’on va y arriver. Qu’il ne faut rien lâcher. Et là enfin après tant de mal on parvient à relativiser. On se dit qu'on ne va pas abbandonner. Qu'on ne peux pas abbandonner. On est désarçonné mais il faut se remotiver. On réfléchis beaucoup, on se remet en question tout le temps. Puis on remonte sur selle afin de galoper vers son destin. Car ce n'est pas la fin !

 

La déprime est cyclique, chaque épisode plus violent que le précédent. Plus usant mentalement encore alors qu’on pensait avoir touché le fond. Tout le monde en souffre. Je dis bien tout le monde, même les meilleurs, les mieux classés comme les moins bons. Pour une fois, pas de distinction.

Le tout est de faire en sorte que ça dure le moins longtemps possible. Car quand on déprime, le temps file. Comme dans tout sport, il faut savoir gérer les temps faibles. Etre suffisamment tenace pour tenir le coup et ne pas perdre trop de temps dans ces moments difficiles. Et repartir de plus belle dans ce marathon…

Alors oui, c’est le début d’une après-midi aussi longue que courte. D'un paradoxe temporel. D’une course contre la montre et le retard. D’une aussi inter que minable bagarre. Contre les autres, contre soi*, contre le monde. Car le monde est injustice. Tout comme la paces. Alors on pourra dire que la paces est un monde d'injustice…

*Surtout contre soi en fait !

N'hésite pas à partager l'article s'il t'a plu et à me rejoindre sur les réseaux sociaux pour plus d'articles, d'anecdotes, de reportages, de blagues, d'images drôles, de ressentis ! Si tu es en P1 ou futur P1, je répondrai avec plaisir à tes questions en commentaire et je relativiserai ce billet. Car ma paces je l'ai mal vécue. Particulièrement mal. Personne ne te dira qu'il l'a aimée, que ça a été une année où il a pu se reposer. Mais certains s'en sortent mieux que d'autres...

PACES découragement souffrance épreuve travail persévérance

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Commentaires

  • Petite-cuillère
    • 1. Petite-cuillère Le 06/02/2016
    Merci Merlin !
    Tu ne peux pas savoir comme ta réponse me fait du bien. J'ai d'ailleurs fait un tour sur ton blog, et l'ai trouvé très intéressant ! J'y retournerai.
    C'est vrai que l'un des plaisirs principaux de ma P1 carrée, c'est de comprendre les choses que j'ai apprises précipitamment en première P1. Mais je ne peux pas m'empêcher d'avoir des périodes de doute sur mon orientation, c'est assez terrible et ça me prend souvent. Il faut dire que j'aimais vraiment toutes les matières au lycée et j'ai du mal à supporter le fait de me spécialiser dans un domaine, je crois ^^ Mais c'est inévitable.
    Merci en tout cas, pour ta réponse si complète !
  • Merlin
    Salut petite-cuillère !

    Pour répondre à ta première question, je dirais OUI sans hésité : on peut s'épanouir intellectuellement dans ces études.

    Cependant, je pense qu'il faut prendre du recul par rapport à notre système d'éducation / de formation. Comme je l'aborde dans mon article Comment aimer travailler, apprendre et réviser, je pense que la façon dont on perçoit les cours à la faculté y est pour beaucoup. Je veux dire par là que instinctivement on a été élevé pour ne pas aimer ce dont on est obligé de faire : travailler, les cours, etc.

    En revanche pendant notre temps libre, on s'implique tous dans ce qu'on aime faire. Par exemple, si tu aimes faire du sport, tu en feras de toi même, de plus en plus, tu gagneras de l'expérience, tu progresseras et ça te motiveras encore plus à en faire.

    Ce qui fait que beaucoup de monde voient les études de médecine comme "pas très intellectuelles et très conformistes" c'est dû au fait qu'il y a énormément de connaissances à acquérir dans un temps très court, juste pour les exams. Là les gens pensent "concours" mais ne voit pas plus loin, sûrement à cause du stress. Cette manière de penser et d'apprendre les cours peut te faire avoir ta P1, mais à quel prix ? Tu apprendras tes cours mots pour mots, sans rien comprendre et tu les oublieras après le concours : c'est déprimant alors que tu as choisi cette voie parce que tu es censé aimer la médecine.

    Alors que si tu regardes bien, les cours de PACES sont dans le fond plutôt intéressant je trouve et, quoiqu'on en disent, concernent la médecine. Ce sont des bases que tu devras reprendre les années supérieures.

    Faire médecine, tu l'as choisi librement ! Sûrement pour diverses raisons qui t'appartiennent, mais parce que tu aimes ça ! Si tu ne vois plus les cours comme une obligation mais plutôt comme "un plaisir" en comprenant pleins de choses, tu seras épanouie. Tu feras beaucoup de rapprochement entre les cours et tu verras que tout est lié : la chimie et la physique avec la biologie, les math avec les études cliniques, etc.

    Quand tu discutes avec des gens excellents (même certains professeurs), beaucoup voient les choses de cette manière, comme une grande histoire, un roman : ils replacent les cours dans un contexte plus général pour faire des liens entre les choses et comprendre plus de trucs... Le fait de comprendre, c'est ça qui est épanouissant je trouve !

    En comprenant, tu n'as plus à apprendre des listes par coeur de symptômes par exemple : pour chaque symptômes tu les lis et tu réfléchis à pourquoi ils sont là, tu essayes de comprendre la physiopath. Et si tu comprend pas, ben tu cherches ! Et au final, tout paraît logique, plus besoin de se prendre la tête avec le par coeur.

    C'est pareil pour les médicaments, si tu perds un peu de temps à comprendre leur mécanisme, tu retiendras mieux et tu gagneras du temps pour les retenir au lieu d'apprendre bêtement une 15e de fois ta petite liste que tu oublieras fatalement 2 jours après...

    Cette manière de voir les choses fait peur à beaucoup parce qu'on à l'impression de perdre du temps à comprendre, à chercher quand on sait pas, mais en fait tu en gagnes au final. Enfin pour moi ça marche, et ça a marché en P1. C'est comme ça que je vois les choses : en comprenant je m'épanouis et je n'ai pas du tout l'impression de m'abrutir devant mes cours ! Ce qui répond à ta 2e question ;-)

    Je finirai en te mettant en situation : imagines que tu apprends un cours sur une maladie bêtement par coeur et un patient te consulte. Il te pose une question dont la réponse n'est pas écrite mot pour mot (ou même différemment) dans ton cours, sauras-tu répondre ? Je ne pense pas... Alors que si tu comprends bien ton cours, tu pourras réfléchir sur ce que tu sais et il y a de grande chance pour que tu répondes juste !

    Vu sous cet angle, la médecine devient passionnante intellectuellement. Certes cela demande du travail pour comprendre les bases (et il y a quelquefois où on craque à cause de la quantité de choses à savoir) mais du coup il y a énormément de réflexion.

    Ouf, c'est fini ! Désolé la longueur de ma réponse mais j'ai été très inspiré ça pourrait même faire un article complet ahah.
    Si t'as des questions, n'hésites pas à me contacter sur mon blog.
  • Petite-cuillère
    • 3. Petite-cuillère Le 06/02/2016
    Bonjour Merlin !
    Je suis en P1, et je dois avouer que même si ce qu'on apprend m'intéresse, je commence à n'en plus pouvoir des QCMs. Bien que mes classements soient plutôt bons pour le moment, il m'arrive de douter sur ma faculté à m'épanouir dans les études de médecine par la suite. Partout sur les blogs, on voit beaucoup de témoignages sur le fait que les études de médecine ne sont "pas très intellectuelles", très "conformistes", axées sur l'apprentissage par cœur plutôt sur la réflexion, un peu comme un P1. Je trouve le fonctionnement du corps fabuleux, mais la perspective de passer mes journées à apprendre par cœur des listes de médicaments et de symptômes m'effraie un peu.
    Tu dis vouloir informer les P1 de ce qui les attend. Ma question est donc la suivante : Crois-tu que l'on peut s'épanouir intellectuellement dans les études de médecine ? La suite des études est-elle aussi abrutissante que la P1 ? Merci de la sincérité de ta réponse..
  • Merlin
    Eh oui la PACES est une années extrêmement difficile...
    J'ai commencé à bosser l'externat cette année et j'ai l'impression de retomber en P1... c'est très très dur moralement. J'écrirai prochainement un article comparatif entre la PACES et l'externat sur mon blog d'ailleurs. Histoire de montrer aux P1 et même aux lycéens ce qu'il les attend, pour qu'ils y réfléchissent à 2 fois avant de se lancer. C'est important je trouve.

    En tout cas, bon courage aux P1 : ne lâcher rien !
  • Leila
    • 5. Leila Le 03/02/2016
    J'aime beaucoup ta façon d'écrire ! Continue !
    • docjunior
      • docjuniorLe 03/02/2016
      Merci beaucoup :-) La suite est déjà prête mais j'attends un peu avant de la poster ;-)

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