Ma blouse, Ma fierté

 

Comment décrire cette immense fierté qui te saisit du sphénoïde au métatarse quand tu enfiles ta blouse pour la première fois ? Je crois que c’est juste impossible, il faut le vivre pour le ressentir tout simplement. Cette sensation de bonheur absolue, cette joie qui te saisit au ventricule gauche et expulse ton sang de plus en plus fort jusqu’à amener ton bonheur au niveau de tes joues (maxillaires si vous préférez, bon ok je suis lourd, j’arrête les blagues).

Tout ça pour une simple blouse me direz-vous ? Un bout de tissu ! Des fibres de textile. Un simple vêtement. Hé bien non ! Car c’est c’est plus qu’un simple habit. C’est MA blouse, ma blouse avec MON nom sur l'étiquette, blouse que j’ai obtenu en passant la 1ère année de médecine au prix d’un travail acharné et de larmes : du sang et de la sueur. Blouse qui me rappelle sans cesse qu’un jour et malgré la longue route qui m’attend, je serai MEDECIN ! Quelle spécialité, quel exercice ? Je n’en ai pas la moindre idée et pour l’instant je n’y pense pas trop encore… (un peu comme quand on est en 6ème et qu’on se dit que le bac, c’est encore loin). Mais un jour on pourra m’appeler docteur ! Docteur !!!

Alors, forcément quand on met sa blouse pour la 1ère fois, on est fier, fier, tellement fier !

Fier de faire partie enfin du corps médical (enfin pas tout à fait vu qu’on ne sait rien encore mais bon)

Fier d’avoir réussi là où plus de 80% des gens échouent (je ne me réjouis pas de leur malheur mais c’est pour montrer que passer en P2, c’est pas si évident que ça).

Fier de se regarder dans la glace avec ce nouveau look à la Dr Mamour.

Fier de ça et de tout plein d’autres choses.

 

Mais passé le 1er instant d’euphorie, on réfléchit à tout ce que cela implique : des valeurs et une éthique professionnelle. Bon en gros tout le monde connait le serment d’Hippocrate dans la théorie mais dans la pratique ça veut dire quoi ?

A mon sens une éthique professionnelle, c’est l’absolue nécessité de ne pas prendre à la légère ce que l’on fait (logique remarque) et de toujours faire au mieux dans l’intérêt du patient parce que pour le coup, l’expression « c’est une question de vie ou de mort » et parfois vraie. Et quand bien même elle ne l’est pas, nos décisions vont influer sur la qualité de vie du patient. C’est donc une fierté mais aussi une immenssissime responsabilité !

Je pourrai discuter des patients ou faire des remarques (comme par la suite dans le blog) mais à aucun moment je ne les jugerai ou je me moquerai d’eux. On n’est pas là pour ça tout simplement. Et même si dans le fond de notre esprit on ne peut pas s’empêcher de porter un jugement, il faut tout faire pour le garder en soi. Parce qu’on est avant tout des soignants et pas des juges. On appartient à la médecine, pas à la justice. Ceci dit je pense que l’humour et la dérision sont permis. Par exemple, vous n’avez qu’à aller sur la page facebook de vie de carabin pour y trouver des dessins très crus et directs sur les études de médecine.

Pour moi être un soignant c’est aussi avoir de l’empathie, on soigne des patients, pas des machines, des malades et pas des maladies ! Hé oui parce qu’on peut avoir tendance de l’oublier à force de voir du monde défiler. Et puis, il suffit d’aller sur d’autres blogs (enfin après avoir lu le miens bien sûr) lire des billets dénonçant le fait que des soignants parlent d’un patient qui vient de mourir comme s’ils discutaient de la météo. Etait-ce pour prendre du recul ? Etait-ce un mécanisme de protection ? Un moyen de se mettre " à la bonne distance " (j'en ferai un billet) ? Ou juste un sans gêne honteux et regrettable ? Je ne sais pas, peut être un peu de tout, de rien. Je ne sais pas.

 

Mais j'avoue avoir été assez choqué de lire ça et je me suis promis de ne jamais devenir ainsi. Mais bon, il suffira de regarder ce blog dans quelques années pour voir si la promesse a été tenue ou pas…

Enfin quand on est soignant, on ne doit pas se placer au même niveau que le patient (et j’ai du mal perso). Certes, il faut de l’empathie, c’est essentiel mais on n’est pas son « ami » à qui il va pouvoir venir raconter tous ses malheurs.

En gros le patient devrait se dire un truc du genre « il est professionnel, il reste à la bonne distance » (et là si vous avez étudié dans ma fac, vous savez de quel cours je tire cette citation)

 

Et puis d’ailleurs on en finirait plus, si aux urgences (là où j’ai fait mon 1er stage !!! lien) on passait notre temps à écouter tout le monde sans arrêt pendant des heures. L’attente moyenne ne se compterait plus en heures ! Mais je vous rassure, les infirmières et les médecins n’en restent pas moins humains et s’occupent réellement de leur patient avec bienveillance. Je dis juste qu’il ne faut pas non plus rester dans le même box pendant des heures et des heures sans non plus enchaîner patient sur patient et ne pas écouter ce qu’ils ont à dire. Des fois, il y a du monde qui vient pour avoir de la compagnie, et dans un certain sens la solitude est aussi une forme de souffrance. C’est ça pour moi la bonne distance (j’en reparle dans un prochain billet).

 

Quand on enfile sa blouse, on cesse d'être n'importe qui faisant n'importe quoi pour devenir soignant. On change au niveau des yeux des gens, des patients devrai-je dire, de leur perception, de la façon dont ils s'adresseront au soignant que tu es devenu, que tu représente. Car c'est avant tout et pour tout une question d'image, d'imaginaire collectif dans le subjectif, de ce que tu représentes même si tu ne l'incarnes pas, tout du moins pas encore...

 

Comme quoi, c’est pas si facile que ça, un simple bout de tissu ça représente tellement de choses…

Et toi c’est quoi ton opinion ? Va y lâche tes com, soit pas timide !

 

* Je viens de retrouver cet article ainsi que plusieurs autres au fond de mon tiroir. Ça me fait sourire de me relire, de voir cette forme d'émerveillement optimiste (tiens suis-je devenu vieux et aigri ?). Hônnetement, en me relisant, je m'aperçois de combien j'ai pu changer en un an, cette joie, cette enthouisasme, je l'ai toujours et j'espère que ça se voit dans mes articles quand je mets du coeur à les écrire, mais j'ai quand même évolué en un an, je ne dirai plus forcément la même chose sur ma blouse (en fait on en a un jeux de 3) que j'ai quand même beaucoup plus l'habitude de porter même si je reconnais que parfois, je peux repenser à ce qu'il a fallu faire pour en avoir le droit. 

Mais je me tourne plus vers l'avenir, enfin, j'essaye car je ne suis qu'au début du chemin pour devenir médecin !

hôpital blouse

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