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Je ne serai pas médecin

De retour sur l'espace participatif qui est décidément très actif ! Après RED et Birth, c'est au tour de Petite-Cuillère ! Petite-Cuillère que vous connaissez tous puisqu'elle a la gentillesse de laisser régulièrement des commentaires que j'apprécie beaucoup (qui sont en plus toujours pertinents et réfléchis au passage mais j'arrête là où elle va prendre la grosse tête) qui m'avait d'ailleurs donnée à moitié l'idée de créer cet espace collaboratif où chacun et chacune peut m'envoyer son billet sur tout et n'importe quoi (en rapport avec l'univers médical, patient comme étudiant) à docjunior17@yahoo.fr pour que je le lui publie.

 

Elle nous publie donc ici son premier billet (et pas le dernier j'espère !). Peut être un peu plus sombre mais aussi porteur d'avenir. Très touchant en tout cas. Il m'a beaucoup ému. Je te souhaite une bonne continuation dans tes études, et je suis sûr que tu arriveras à trouver ta voie et faire quelque chose de bien car tu es une belle personne. Les mots me manquent pour décrire mon émotion à la lecture de ton billet avec la gorge nouée. Alors vole, vole enfin libre comme l'air et poursuit ton chemin, je sais qu'il te mènera à du positif car tu le mérites... Sincèrement.

 

Enfin bon comme toujours je parle trop (je peux pas m'en empêcher désolé), alors place à Petite-Cuillère et à son billet.

 

C’est avec plaisir sur je publie mon premier billet sur le blog de Docjunior (Youhou !:) )


Avant que vous commenciez votre lecture, je tiens à rappeler une chose assez fondamentale. Ce billet à lui seul ne résume pas mon point du vue sur la PACES (qui est une aventure qui vaut sincèrement la peine d’être vécue, selon moi). J’expose ici l’ensemble d’émotions que j’ai ressenti en un instant crucial : celui des résultats.

Dans la PACES, il y a plusieurs facettes. La facette fonctionnelle administrative, celle du recrutement, impliquée par le NC. Il y a la facette scolaire, celle du travail, de la méthode, des connaissances. Et il y a celle du vécu, que je traite en partie dans ce billet. La PACES, comme toute épreuve, nous fait ressentir des émotions fortes, nous confronte à nos propres difficultés, nous amène à nous interroger sur le sens des concours, du mérite, de la société et même de la vie (bon, après, c’est peut-être un peu parce que j’aime bien philosopher sur tout aussi).

 

De même, il ne s’agit pas d’une critique du système. Bien qu’on puisse voir dans ce billet un certain sentiment d’injustice, je rappelle qu’il émane d’émotions violentes subies à la suite des résultats et non d’une réflexion approfondie.

Et donc, bien que ce billet présente des aspects sombres, je ne regrette absolument pas ces deux années.


Sur ce, bonne lecture !

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Je ne serai pas médecin

 

 

 

Je ne serai pas médecin.

La phrase, tant redoutée, résonne avec une certaine sacralité. S’affirme et se pose. Entre la douceur et la brutalité.

Je ne serai pas médecin.
Instant d’immobilité. Au départ, aucune émotion. Sorte de protection intérieure contre l’engouement. Un simple constat.

 

Quelques secondes passent.

Enfin, l’analyse commence. Les réflexions fusent de toutes part, les interrogations également. Le cerveau, soucieux de donner un ordre à toutes ces idées agitées, s’efforce de trouver un sens, une sorte de directive à la réflexion.

 

Bien sûr, que cela devait arriver. D’une certaine manière, je m’y attendais.

Les souvenirs remontent délicatement.

Le deuxième semestre, chaotique. Plongée dans mes cours, je sentais peu à peu les liens fermes de l’auto-discipline se relâcher. Les pensées fusaient, la concentration déviait, les capacités intellectuelles semblaient s’altérer, à tel point que ça en devenait inquiétant.

 
La sensation d’écœurement me revient. Le goût fade et l’amertume au fond du palais à la lecture des cours. La gorge qui se serre un peu plus à chaque nouvelle information gravée dans la mémoire. L’excès de connaissance qui empiète sur les douces saveurs de la vie. Le désir, parfois, de faire valser mes polycopiés. Et pourtant, devoir toujours continuer.


La sensation d’épuisement ressentie il y a un mois trace son chemin et pénètre dans ma conscience.

Les émotions qui se solidifient en une masse anormalement rigide, ne laissant percevoir que les plus violentes : la peur incontrôlable et la colère indomptable. Comme si soumettre son esprit à une pression intense restreignait un peu plus la perception des choses.

Et surtout, plus forte que tout, cette espèce de violence. Ce combat contre moi-même. Ces heures passées, assise devant le bureau, à ne pas vouloir flancher. Les horaires stricts imposés pour ne pas culpabiliser. Les montées de stress imprévisibles. La tension dans les muscles de jambes, l’étouffement et la peur d’échouer. Sentir à l’intérieur que ça ne répond plus, mais tenter de continuer à se battre avec le plus de ferveur possible. Pester contre ma mémoire défaillante et mes émotions ingérables.
 
Je ne serai pas médecin.

Je le savais, pourtant, alors pourquoi est-ce que je pleure ?

Deux mois avant l’épreuve, je ne retenais plus les détails des nouveaux cours. J’ai désespérément tenté un système d’auto-questionnaire sur une page open-office, qui s’est avéré efficace quelque temps seulement.

 

Deux semaines avant l’épreuve, je me suis aperçue que je n’arrivais plus à comprendre ni à expliquer des notions qui m’apparaissaient claires l’an dernier.

Deux jours avant l’épreuve, je suis restée bloquée sur un calcul de concentration d’une simplicité telle que j’aurais été capable de le faire en troisième. Après deux heures de recherche de mes anciennes facultés mentales, je suis sortie respirer un peu.

Le jour de l’épreuve, j’ai vainement rassemblé toutes les sources d’énergie qui me restaient pour me plonger dans le sujet. Lire et comprendre le sens des QCM me semblait déjà tellement difficile que je me sentais fiévreuse.

En voyant les autres, autour de moi, se battre avec toute l’énergie, la volonté et la ténacité qu’il leur restait, j’ai compris que j’étais déjà presque hors jeu.

 
Je ne serai pas médecin.

 

La porte se referme. Seuls demeurent les doutes, le regret, la peur et la colère.

Des débris de volonté combative surgit un sentiment d’impuissance, d’injustice, et de fureur. Dans un premier temps. Parce que c’est trop violent de voir une porte claquer comme ça. Parce que j’en rêvais, de ce métier, putain. Parce que j’ai l’impression de le mériter moi aussi, à avoir toujours travaillé sérieusement toute ma scolarité, à m’être battue pendant deux ans, à avoir réussi à me caser dans le numerus clausus ne serait-ce que le temps d’un semestre. Parce que j’ai toujours haï les QCMs, mais je me suis efforcée à ingurgiter des annales. Parce que j’en ai passées, des journées à travailler, des nuits à pleurer, des matinées à espérer.

Le temps d’un instant, je déteste les autres. Ceux qui ont eu le concours. Ceux qui ne l’ont pas eu mais n’ont jamais voulu l’avoir. Parce que je me trouve entre les deux, et c’est insupportable. La volonté s’enflamme. J’ai toujours cru que l’effort était récompensé, et mon système de valeur intérieur va disjoncter parce que rien n’est comme je l’avais prévu. L’espèce de tyran en moi qui s’est développé pendant deux ans n’acceptera jamais cet échec, je le sens.

La raison s’interpose. Rationnelle et apaisante. Pour remettre les choses en place, comme elle l’a toujours fait.


La voix douce d’une amie me revient. « Bats toi jusqu’au bout, et prends ce qui viendra. »
Comment savoir ce qui se cache derrière chacun des ces avenirs conditionnels ? Si je n’ai pas supporté cette épreuves, comment aurais-je vécu les autres ? Car s’il y a une chose que j’ai comprise, au cours de ces deux ans, c’est que la vie est un paradoxe perpétuel, que jamais rien n’est tout noir ou tout blanc, et qu’on ne peut que partiellement se fier à ses impressions.

 

« On a l’impression que tu forces ton pied à entrer dans une chaussure qui n’est pas à ta taille. »

Plusieurs fois, j’ai douté. J’ai détesté cette manière d’apprendre, peut-être plus que les autres. Ai eu des difficultés à me conformer au système. Alors peut-être que mon échec n’est que la suite logique des événements ?

Oh, je ne sais plus. Que sait-on de nous mêmes ? Jusqu’où nous maîtrisons-nous et jusqu’où sommes nous capables d’aller ?
Un rayon de soleil pénètre par la fenêtre.
Une onde de soulagement m’envahit en même temps que la tristesse. Tout cela est terminé. Je n’ai pas réussi. J’ai eu tellement peur de cet instant qu’il paraît presque plus facile à vivre que je ne le croyais.

Reste à prendre le temps de digérer. Faire le deuil. Annoncer la nouvelle. Me lancer dans une nouvelle voie où je pourrai m’épanouir. Car les chemins sont multiples, inconnus, imprévisibles et je suis enfin libre.

Vivre. Vivre surtout. Car chaque seconde d’existence recèle de merveilles. Et étrangement, vivre à toute allure pendant un temps nous en fait reprendre conscience.  

Je ne serai pas médecin.

Et félicitations à ceux qui peuvent encore l’être.

Les horizons s’ouvrent et la vie continue.

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Commentaires

  • Johan
    • 1. Johan Le 11/01/2024
    Super article, merci pour le partage. Je me suis un peu retrouvé dans la même situation et j'ai trouvé des voies annexes pour m'en sortir. Au final je suis très content d'avoir entre guillemet loupé cette voie et de maintenant me retrouver à faire ce que j'aime. Tu as beaucoup d'autres alternatives notamment en médecine douce pour t'en sortir avec des thérapie holistique comme la réflexologie plantaire, la kinesiologie, ou autre qui alimentent le bien être. Je vois que l'article date d'il y a quelques temps, mais j'espère que tu as pu trouver ta voie !

    Image
  • http://el.wegweiser-journalismus.de/
    Therefore, people ingest more some time online.
  • Petite-Cuillère
    • 3. Petite-Cuillère Le 18/08/2016
    Merci pour vos retour Joëlle et Embryon médical !
    Embryon médical, je trouve que ton commentaire est plein de bon sens. Et je crois aussi au destin :)
  • Embryon médical
    Je suis désolée d'apprendre ça... La PACES broie beaucoup de gens, elle a broyé certains de mes amis. On a beaucoup de blogs de jeunes étudiants en médecine, oui mais les autres ? Et bien les autres vont bien. Ils vont vraiment bien. Je ne dis pas que c'est facile de se remettre de ça, faire son deuil prendre du temps. Mais j'ai vu chacun de mes amis s'épanouir, et devenir de très belles personnes en se construisant par dessus cette blessure. Tu réussiras toi aussi, c'est certain ! Prends du temps pour toi, n'aie surtout pas peur d'en parler par honte, par orgueil.
    Je ne suis pas croyante au sens religion du terme, mais je crois sincèrement au destin. Bien des fois j'ai pleuré quelque chose que je n'avais pas eu ou que j'ai perdu, avant de me rendre compte que cet évènement a fait la personne que je suis et m'a poussé à faire des choix que je ne regrette pas et qui me rendent heureuse aujourd'hui. Où que tu ailles, la vie a quelque chose pour toi en réserve même si là maintenant tout de suite tu ne peux pas le voir.
    Un classement ne définit pas ta valeur, tu n'es pas un numéro mais une personne à part entière. Ce classement ne note pas tes émotions, ta sensibilité, ta capacité à faire ce que tu aimes faire d'habitude. Il note ta facilité à apprendre de façon bête et méchante des poignées et des poignées de petits détails à la con. Et non, tu ne te résumes pas à ça. Cela ne veut pas dire que tu es moins intelligente, moins capable. Quelque part, tu finiras par trouver quelque chose qui te définit complètement, et tu seras fière d'avoir su surmonter cela !
    Bravo à toi pour le chemin que tu as su parcourir, et vole comme dit Birth ! :)
  • Joëlle
    Il y a quatre ans maintenant ma fille a comme toi raté son concours après deux années de travail acharné; déception d'autant plus grande qu'elle avait progressé formidablement... mais pas assez pour faire partie de ce fichu NC. Je crois qu'en tant que maman j'en ai été plus malade qu'elle, surtout que depuis le lycée elle n'avait jamais envisagé autre chose. La page est tournée, elle s'épanouit pleinement dans ce qu'elle fait, alors je te dis: commence par passer un bel été à te reposer, avant de poursuivre tes études dans une direction qui te plaira au moins autant.
  • Petite-Cuillère
    • 6. Petite-Cuillère Le 23/07/2016
    Quelle joie de lire ces gentils messages ! Maintenant, je vais à nouveau écrire un commentaire pertinent et réfléchi ! Haha tu as raison Doc Junior, mes chevilles commencent à gonfler grâce à toi ! ;) (merci pour tout !)

    Birth, ma petite naissance ! "Petit" commentaire mais tellement riche. Je me sens libre et encore plus après t'avoir lue ! Plein de bisous à toi évidemment ! Le mérite est une notion tellement subjective... Mais toi aussi tu le mérites, et tu peux encore l'avoir donc fonce ! (même si j'imagine que tu n'as pas besoin que l'on te dise "fonce" pour foncer).

    Humb ! Merci pour ton gentil commentaire également ! C'est vraiment agréable de passer de l'autre côté comme tu dis, quoique j'aime bien commenter aussi. Je suis vraiment désolée que tu vives la même chose, j'espère que tu arrives à profiter et savourer chaque instant malgré cela. J'espère aussi que tu t'épanouiras ailleurs et je n'en doute pas. Nos capacités d'adaptation dépassent ce que l'on imagine, je pense. A bientôt sur le blog !

    Morgane, je suis vraiment émue de t'avoir émue. Je suis désolée que ça n'ait pas marché pour toi non plus. Surtout si tu as fait une prépa kiné avant, c'est signe que tu t'es vraiment battue. Mais finalement, le plus important, c'est que tu aies tout donné et que tu n'aies rien à regretter. Même si c'est dur, cela fait du bien de lire un témoignage comme le tien et celui de Humb, on se sent moins seul. On n'a pas souvent l'occasion d'évoquer ce sujet entre personnes qui n'ont pas eu la P1, mais cela fait du bien, je trouve.
  • Morgane H
    • 7. Morgane H Le 14/07/2016
    Salut,
    Ton post m'a beaucoup émue, je suis désolée d'apprendre que ça n'a pas fonctionné pour toi non plus...

    Je comprends tellement ce que tu ressens, j'ai raté mon année de médecine ainsi que le redoublement à très peu de places (j'avais déjà échoué l'année dernière en prépa Kiné), et même s'il y a un certain soulagement d'en avoir fini avec la pression et tout ce qu'impose l'année de médecine, le plus difficile reste à se battre tout en sachant que mon rêve ne se réalisera jamais...

    Je suis de tout cœur avec toi, j'espère que tu trouveras une voie qui te rendra heureuse!
  • Humb
    • 8. Humb Le 14/07/2016
    J'ai maintenant l'habitude de voir tes commentaires sous les articles de Doc Junior, et aujourd'hui je découvre ton autre côté, pour une fois c'est toi qui raconte ton histoire. Et comme je te comprends... Je vis la même chose en ce moment, je compatis vraiment, c'est très dur de se voir refusé à une voie, un métier, dont on rêve depuis si longtemps...J'espère de tout coeur que tu réussiras à faire rapidement ton deuil de la médecine, et que tu trouveras une autre voie parfaite pour toi, et qui te passionne tout autant !
    À bientôt sur ce blog j'espère :)
  • Birth
    ... oh Petite Cuillère ... Les mots me manquent devant tes phrases qui me touchent beaucoup...Tu le méritais, ma petite Argenterie.. Tu le méritais. Je suis désolée de ce tout petit commentaire face à tes réflexions si justes et qui me font tellement plaisir mais je n'ai envie de te répéter qu'une seule chose : vole, vole, vole ! Tu es libre, maintenant. Et j'espère que la belle personne que tu es s'épanouira de tout son soûl au soleil d'une nouvelle voie <3
    Des bisous !
    Birth

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