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L'attente

 

" Les étudiants se lèvent "

Vacarme assourdissant. 

- 1500 chaises raclant le sol.
- 1500 corps en mouvement.
- 1500 pantins désarticulés se levant.

 

Tous debout. Tous ensemble. Et pourtant tous concurrents.

Le silence revient. L'instant est unique, d'une douce violence. L'instant est lent, lent comme si le temps prennait une courte pause d'un instant.

Et pourtant, le vacarme est présent dans ce néant auditif. 1500 coeurs palpitants, tous battants, tous tambourinants. Tous s'exclamant " C'est là ! C'est maintenant ! C'est le moment ! Sois bon, soit présent pour cet instant si important ! ".

Chaque cri, unique, résonnant silencieusement dans ce long écho intérieur. Chacun des 1500 autres étudiants reprennant en coeur ce cri du coeur dans ce silence de cathédrale. Et on est là, on attend, parmis tous ces gens, tous ces étudiants, tous ces concurrents oui !!! Non, ce ne sont pas des enfants de coeur. On prie à sa réussite, qui ne dépend pourtant que de soi. Car c'est là, c'est maintenant que ça se joue. Pas hier ni demain. Pas dans une heure. Là ! Maintenant ! Tout de suite !!!

 

A cette pensée notre coeur ne fait que battre de plus belle. Comme s'il voulait fuir de notre poitrine, s'échapper de la prison de notre cage thoracique. Un peu comme nous en fait. Enfermés dans ce parc des expo, piégés dans cette immense salle. Enchaînés à notre table, pieds et poings liés à son destin. On est là, oui on est vivant ! On a même jamais été aussi là de toute notre vie ! On a jamais été aussi présent pour subir le moment ! Non en fait non !!! Ce moment on va le vivre, le maîtriser et gagner !  On est là, oui ! Là parmi la masse des plus de 1500 autres étudiants. Uniques dans leur multiplicité. Multiples dans leur singularité.

On les entend. Oh que oui on les entend ! Inaudibles dans ce long hurlement. C'est un silence assourdissant entrecoupé de vagues éclats de toux de ci et de là. D'un doux frémissement de nul par et partout à la fois omni présent dans son absence. C'est un boucan muet à en vriller les tympans.

 

" Les surveillants peuvent procéder à la distribution des grilles de QCM. Je répète : les surveillants peuvent procéder à la distribution des grilles de QCM "

 

Boum. Boum. Boum. Les pas des patrouilleurs claquent sur le sol. Secs. Cassants. Comme ce qu'on a vécu pour parvenir jusqu'à ce moment. Curieuse métaphore de ce qu'on à pu vivre jusqu'à présent. On y songe rapidement dans une éphémère pensée d'un instant.

 

Boum. Boum. Boum. Les pas des patrouilleurs qui battent le sol. Et font écho à nos propres battements. Qui s'accélèrent à présent.

 

Et on attend... 

 

On attend toujours...

 

Toujours et encore.


Encore et toujours.

...

...

...

Les secondes s'égrennent. Le temps passe. Quand à nous on trépasse.

On tourne la tête. A droite. A gauche. Mais notre regard ne parvient qu'à capter des étudiants, à perte de vue. Un puissant mur à escalader, un défi colossal à relever.

 

 

Une tempête d'adversaires, une marée de concurrents. Infiniment minuscules dans leur immensité. Tous alignés. Tous triés. Rangés par rangées. Classés et numérotés par brochettes sur ce gigantesque étal de boucher. Ce sont tous et sans exception des concurrents dans ce cruel combat intellectuel. Une épreuve individuelle pour un résultat mutuel.  

" Merci ". On chuchote, timidement, la voix tremblotante. On ne veut pas élever trop la voix. On ne peut pas. On n'ose pas. Pourtant on voudrait tellement. Crier son angoisse, sa frustration, son stress, sa peur de l'échec. Mais on ne peut pas. Alors timidement, calmement, on chuchote ce petit mot de remerciement qui s'envole tout doucement dans la salle.

 

On murmure ce frêle remerciement en recevant enfin sa grille. Merci de me donner les instruments de ma torture. Merci de me donner des cases vides. Cases qu'on noircira. Ou qu'on laissera vierge de couleur. Merci pour ce petit bout de papier si insignifiant et important en même temps. Car ce qui détermine notre réussite, ou notre échec ce ne sont au final que de simples cases. Un damier bicolore formant le motif de la victoire ou de la défaite. Alors, que doit va t-on cocher ? Noir ou Blanc ? Vrai ou Faux ? Pile ou face ?

 

Puis on attend encore et encore, le coeur battant. Le tambour de l'attente inlassablement palpitant.

...

...

...

L'angoisse est là maintenant. Elle nous ensère tout entier. Elle fait battre ton coeur avec vigueur. Elle forme ta boule au creux du ventre. Elle te prend de ses tremblements incontrôlables. Mais rapidement, par un effort surhumain de volonté, tu la chasses. Car tu tiendras le coup mentalement. Car tu es pret et tu le sais. Car tu ne peux pas de permettre de douter.

 

" Est-ce que tout les étudiants ont bien reçu leur grille de QCM ? Je répète : Est-ce que tous les étudiants ont bien reçu leur grille de QCM ?

 

Tic-Tac. Tac-Tic. Les secondes s'égrennent doucement. Tout est calme. Apaisé. Alors qu'un combat sans merci est sur le point de se dérouler. Le temps s'étire mélancoliquement. On repense aux derniers mois qui viennent de s'écouler. Des centaines et des centaines d'heures passées à travailler. A craquer puis recommencer. Repartir de l'avant sans se relâcher. Tout n'a pas été simple en effet. Et pourtant on a rien lâché. On y est, c'est l'instant clé ! Le moment de tout donner ! Car rien est joué !!!

Tic-Tac. Tic Tac...

 

" Les surveillants peuvent à présent procéder à la distribution des sujets. Je répète les surveillants peuvent à présent procéder à la distribution des sujets "

 

La monotone et répétitive phrase claque tel un verdict dans cet immense tribunal collectif. Justement injuste dans son injuste justice. La phrase claque. Concrête. Pleine de sens. Ça se rapproche. On est en sursis. On le sait. On le sent.

Là encore, on attend. Toujours et toujours. Interminablement. Le temps s'allonge impitoyablement. On commence à s'impatienter. C'est long. Très long. Trop long. 

On a hâte d'en découdre, d'en finir surtout ! Mais on ne peut pas. Enfin, pas encore.

 

Les surveillants passent dans les rangs et distribuent face cachée les sujets. On brûle de passer à l'action. Mais la formidable attente est de glace. Les pieds aussi commencent à chauffer, les fourmis de l'inaction à grimper vers un cerveau qui rentre en ébullition. Mais c'est la règle. Glaciale, on ne peut commencer. Enfin, pas encore...

 

" Est-ce que tous les étudiants ont bien leur sujet ? Je répète les étudiants ont t-ils tous leur sujet ? "

 

A peine cette phrase prononcée que les regards se ferment. Les muscles se tendent. Il faut desormais chasser le stress pour laisser place à la concentration. Pour avoir un jour la chance d'exercer sa passion. Pour ne pas commettre le fatal impair. Les chaises grincent de ci et de là. Raclent le sol. Les bouchons des feutres noirs à QCM sautent. Les doigts se posant sur la gachette de sa vocation.

On est prêt à déclencher son chronomètre, sa montre. Qui avait été choisie avec soin. Car une sonnerie de cette dernière pendant l'épreuve et c'est l'exclusion. L'exécution après passage en cours martiale. Même chose pour la moindre sonnerie de portable. Les plus stressés n'auront même pas pris le risque d'emporter ce dernier.

 

On croyait que le temps ne pouvait pas ralentir encore plus. Et on réalise son erreur. Les secondes avancent à reculon. C'est l'instant de vérité. Où tout va se jouer. Des centaines d'heures pour quelques minutes de dur labeur. 

C'est si insignifiant. D'ailleurs on se sent insignifiant. Un parmi tant d'autres. Dans cette salle immensément grande qui nous écrase de son énormité. De l'énormité de ce qu'on vit là maintenant. De l'ampleur de l'évènement. Ne pas craquer, ne pas stresser, ne rien lâcher. 

On brigue une place. Place qui nous reviens de droit. Mais l'aura t-on ? Pourtant on la mérite, oh ça oui ! Pas la peine de se poser ces questions et agissons plutôt ! Sauf qu'on ne peut pas. Enfin, pas encore.

 

" Si tout les étudiants ont leur sujet, alors l'épreu.... "

...

...

" Attendez non !!! Il manque un sujet ici ! Faîtes moins de bruit s'il vous plait. Arrêtez de cogner vos chaises que l'on puisse vous entendre ! "

 

- Boum boum. Boum boum. Ba-baboum - Baboum. Le rythme cardiaque s'accèlère. Une goutte de sueur perle et goutte. Eclatante. 

 

" Bien je reprends, si tous les étudiants ont leur sujet, alors l'épreuve peut commencer ! "

 

Vacarme. Comme si le tonerre avait soudainement éclaté. La tension autrefois électrique se dissipe instanément. A moi de jouer à présent. C'est parti !!!

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Commentaires

  • Chloé
    • 1. Chloé Le 17/07/2016
    Bonjour (ou bonsoir) très cher monsieur Doc junior,
    J'ai découvert ton blog en surfant sur YouTube à la recherche de vidéos parlant de la PACES et...
    Je l'adore, tu as un talent d'écriture fou, tu décris vraiment les émotions que tu as ressenti à ce moment et c'est un blog comme celui que je recherche depuis un moment !
    Je passe en terminale S pour l'année 2016-2017 et je suis énormément motivé pour entamer des études de médecine et ton blog me motive encore plus ( quoique il me fait un peu flipper à l'avance quand même
    • docjunior
      • docjuniorLe 19/07/2016
      Salut Chloé ! Bon j'espère que je t'ai pas fait trop peur alors car je décris mon état d'esprit en P1 bien trop stressé haha, je suis plus objectif sur YouTube je pense :-) Et j'espère que tous les articles sur l'après PACES comme le stage infirmier par exemple te motiveront encore plus ! Ton commentaire est super sympa en tout cas ça fait plaisir !
  • Petite-Cuillère
    • 2. Petite-Cuillère Le 26/06/2016
    Je viens de m'apercevoir qu'il n'y avait aucun commentaire à cet article, et c'est assez dommage parce qu'il vaut vraiment le détour : il fait réfléchir et le style est beau.
    C'est amusant de le lire à froid, en vacances, quand le temps s'écoule à sa manière.
    Ici, dans ton article, dans les salles de concours Paces, dans les souvenirs de nombreux étudiants, le temps est condensé. Il s'accélère, il se ralentit, il demeure entre nos mains, on le compte, on l'étire ou le ressert, on l'économise, et chaque seconde doit être utile.
    Et "l'attente" que tu évoques est réellement pénible. On nous demande d'attendre que chaque copie soit distribuée très longtemps, puis de foncer. On passe de l'esclave du temps à son maître. Et on se sent tellement anonyme, avec son numéro, noyé parmi tant d'autres.
    • docjunior
      • docjuniorLe 26/06/2016
      Merci pour ton analyse :-) Et oui malheureusement, les lecteurs ne laissent que peu de commentaires alors même que selon les statistiques, il y en a en moyenne 150 par jour tout de même. Si je rapporte le nombre total de commentaire (sans compter les mien) aux nombre de visiteurs ça me fait 0,75% de commentaires par visites (même s'ils faut enlever tous ceux qui viennent et quittent le site sans le lire car arrivé par erreur, les robots qui faussent le trafic etc) mais même ainsi le nombre de commentaire est très très faible ce que je déplore un peu car j'aurai aimé que le blog soit plus vivant. Et puis ça fait toujours plaisir un petit mot, une petite trace que laisserait un lecteur. Et justement si je rajoute le fait que ceux qui commentent sont souvent les même personnes (que ferai je sans toi haha par exemple), ça réduit encore plus les statistiques. Mais je vais pas non plus supplier chacun et chacune de commenter, il faut que ce soit spontané et en sois ça me plait d'écrire et puis je suis très heureux de voir que la fréquentation du blog est si élevée. Je n'y aurai jamais pensé il y a quelques mois quand je commençais tout juste et qu'il n'y avait que 4/5 visites par jour (et encore ^^). Alors moi ça me va et je suis content de voir a quel point a évolué et j'espère que ça va continuer !

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